Migraine : définition
La migraine est une maladie fréquente qui touche environ 12 % des adultes et 5 % des enfants. Aujourd’hui, certains de ses mécanismes commencent à être connus, et des progrès ont été réalisés dans le domaine de son traitement. Pourtant, sa prise en charge reste encore insuffisante, et elle continue à représenter un handicap parfois sévère pour ceux qui en souffrent.
Symptômes de la migraine
En français, le langage courant utilise souvent, à tort, le terme de migraine pour désigner n’importe quel mal de tête (ou céphalée). La migraine est au contraire une céphalée aux caractères bien précis, déjà reconnus par Hippocrate (Ve s. av. J.-C.) et précisés par Arétée de Cappadoce (IIe s. apr. J.-C.). Ambroise Paré (v. 1509-1590), qui décrivit la céphalée migraineuse comme «une douleur poignante […]
si cruelle que le malade ne peut endurer qu’on lui touche la tête» fut un des premiers à imaginer que sa cause « peut venir des veines ou des artères, tant internes qu’externes, ou des méninges ou de la substance même du cerveau.» C’est avant tout une maladie qui évolue par crises entre lesquelles le patient est parfaitement bien portant. La description de ces crises va permettre au médecin de reconnaître la migraine. Le diagnostic repose essentiellement sur l’interrogatoire; il n’existe aucun test biologique, aucun examen radiologique qui permette de dire si un patient est migraineux ou non.
On distingue plusieurs types de migraines. La plus fréquente est la migraine sans «aura», appelée encore migraine commune. Il est assez simple pour une personne souffrant de maux de tête de déterminer si elle est ou non atteinte de ce type de migraine en répondant à une série de questions.
Le questionnaire du migraineux
La première est la suivante: les maux de tête surviennent-ils par crises qui durent de 4 à 72 h et entre lesquelles vous ne souffrez pas? Si la réponse est non il est inutile d’aller plus loin, il ne s’agit pas d’une migraine. Les questions concernent ensuite la douleur: pendant les crises, le mal de tête siège-t-il exclusivement d’un côté ou y prédomine t-il? La douleur bat-elle au rythme du coeur? Est-elle sévère au point d’entraver les activités quotidiennes? Est-elle aggravée par l’effort physique? Les dernières questions sont plus générales: pendant les crises avez-vous des nausées ou vomissez-vous? Le bruit ou la lumière vous sont-ils pénibles?
Si un patient a répondu «oui» au moins deux fois à la deuxième question et au moins une fois à la troisième question, il peut considérer qu’il est atteint d’une migraine sans aura. Ce questionnaire souligne que contrairement aux idées reçues, une migraine n’est pas nécessairement localisée d’un seul côté de la tête comme le laisserait penser l’étymologie du mot, et que la présence de nausées et de vomissements fait partie intégrante du tableau de crises migraineuses et n’indique pas que celle-ci a une origine alimentaire. C’est ainsi que bien des migraines se sont vues étiquetées «crises de foie», terme du langage populaire qui ne correspond à aucune maladie déterminée, et n’ont pas été traitées de façon appropriée.
Les crises de migraine
Elles peuvent être annoncées par des symptômes variés appelés «prodromes», que chaque patient apprend à reconnaître: fatigue, troubles de l’appétit ou troubles de l’humeur, dépression ou au contraire euphorie. D’autres fois, la migraine survient sans prévenir, parfois en pleine nuit ou au petit matin.
Chez l’enfant, la migraine est souvent frontale, bilatérale, et les signes digestifs peuvent être au premier plan avec des vomissements et des douleurs abdominales. La crise est généralement plus courte que chez l’adulte et se termine souvent par un sommeil réparateur.
Une autre variété de migraine est celle avec aura, dite aussi migraine accompagnée, ou migraine ophtalmique. Elle est moins fréquente et touche environ 15 % des migraineux. Un individu peut souffrir alternativement des deux types de crises.
Les migraines avec aura
On appelle «aura» les troubles neurologiques qui précèdent, ou plus rarement accompagnent le mal de tête. L’aura dure en moyenne de 20 à 30 min.
Les plus fréquentes des auras sont visuelles: la vision devient floue, le malade perçoit des formes brillantes ou colorées (phosphènes), ou une tache noire entourée d’un bord brillant en dent de scie qui grandit du centre vers la périphérie (scotome scintillant), ou bien il constate une amputation partielle ou totale de son champ de vision.
Les auras visuelles prennent parfois une forme fantastique en particulier chez l’enfant: inversion, grossissement ou rapetissement, éloignement, morcellement des images.
Les auras peuvent être sensitives, à type d’engourdissements, de fourmillements, qui touchent en général un seul côté du corps, et commencent souvent à la main pour gagner l’avant bras puis le visage. Plus rares sont les troubles du langage et les troubles moteurs (faiblesse d’un bras ou d’une moitié du corps). Une caractéristique essentielle de l’aura migraineuse est son installation progressive sur 5 à 30 min, selon ce que l’on appelle la «marche migraineuse», et sa disparition également progressive. Elle laisse alors généralement place au mal de tête qui peut être moins long et moins sévère que dans la migraine sans aura. Il peut même dans certains cas être absent et l’on parle alors d’aura isolée.
Les auras atypiques
Lorsqu’un patient décrit des crises de migraine sans aura ou des crises de migraine avec aura tout à fait typiques, et que son examen clinique est normal, il est inutile de prescrire des examens complémentaires.
Il existe d’autres formes de migraines plus rares, qui, elles, peuvent nécessiter des explorations, en particulier un scanner ou une imagerie par résonance magnétique. Les auras peuvent être atypiques, par exemple de début brutal ou de durée très prolongée, ou comporter des symptômes inhabituels comme des troubles de conscience.
Les autres formes de migraine
La migraine hémiplégique familiale est une forme rare de migraine, où les crises s’accompagnent d’une paralysie d’un côté du corps; dans cette forme de migraine, si un parent est atteint, 50 % des enfants le sont (transmission autosomale dominante).
Dans la migraine ophtalmoplégique, une paralysie d’un nerf des muscles de l’œil entraîne durant les crises une vision double. Chez l’enfant, certains symptômes qui surviennent par crises comme des douleurs abdominales récidivantes, des vomissements cycliques, des vertiges, ont été considérés comme des équivalents migraineux. Ce diagnostic ne doit pas être porté avant d’avoir fait les examens appropriés pour éliminer les autres causes possibles de ces troubles.
Les maux de têtes
En dehors de la migraine, les maux de tête peuvent avoir de nombreuses causes. Le diagnostic est orienté principalement par le mode d’installation de la céphalée. Dans certains cas, une consultation médicale est nécessaire en urgence: un mal de tête soudain «comme une explosion» peut traduire une hémorragie des méninges; un mal de tête qui s’aggrave de jour en jour peut faire craindre un abcès, une tumeur du cerveau ou une méningite; enfin, un mal de tête récent et inhabituel chez une personne de plus de 60 ans peut révéler une maladie inflammatoire des artères (maladie de Horton) qui peut entraîner une cécité si un traitement rapide n’est pas mis en route.
La survenue d’une migraine
La migraine débute dans 90 % des cas avant l’âge de 40 ans. Elle peut commencer très tôt, vers l’âge de 1 an. De 5 à 10 % des enfants souffrent de migraines avec une proportion égale de filles et de garçons. À partir de la puberté, la proportion de filles atteintes augmente rapidement, et à l’âge adulte, 17 % de femmes sont migraineuses, pour 6 % d’hommes. Après 60 ans, les crises ont tendance à s’espacer puis à disparaître. La migraine est une maladie capricieuse, les crises sont variables non seulement d’un patient à l’autre mais aussi chez un même patient d’une période de la vie à l’autre.
Les facteurs favorisant la migraine
La liste des possibles facteurs déclenchants des crises est longue: facteurs psychologiques (contrariété, émotion), certains aliments (chocolat, alcool…), modifications du rythme de vie (week-end, grasse matinée), repas sautés, bruit, lumière, effort physique, odeurs…
Il ne faut pas confondre la maladie et ses facteurs déclenchants: la migraine n’est pas une maladie purement psychique parce que les crises surviennent après une contrariété. Chez la femme, la migraine est souvent rythmée par la vie hormonale. Chez la moitié des migraineuses, les crises apparaissent au moment de la puberté, et 2/3 d’entre elles considèrent que les règles peuvent déclencher des crises. La grossesse améliore la maladie migraineuse dans 70 % des cas. La pilule peut modifier l’évolution de la maladie migraineuse, soit dans le sens d’une aggravation ou d’une amélioration. Enfin, contrairement à une idée reçue, la migraine ne disparaît pas toujours à la ménopause et elle a même tendance à s’aggraver transitoirement lors de l’installation de celle-ci.
Les mécanismes de la migraine
Ils sont encore loin d’être tous connus. Le caractère familial de la migraine est indiscutable. On retrouve des antécédents dans la famille proche chez 60 % des migraineux. Familial ne signifie pas néanmoins nécessairement héréditaire et la part des facteurs génétiques environnementaux n’est pas encore clairement établie.
Ce n’est que dans le cas de la rare migraine hémiplégique familiale que l’on a pu démontrer l’existence d’une anomalie située sur le chromosome 19.
On pense actuellement que la migraine est en rapport avec un trouble de la régulation de la douleur au niveau du cerveau. Les patients porteurs de cette anomalie sont susceptibles de faire une crise de migraine durant laquelle un certain nombre de perturbations ont été démontrées. L’aura serait liée à une anomalie de fonctionnement des cellules cérébrales accompagnée d’une constriction des artères, qui se propagerait des régions postérieures aux régions antérieures du cerveau. La céphalée serait liée à une excitation du nerf trijumeau (qui véhicule la sensibilité et la douleur au niveau du crâne et de la face) et à une dilatation des artères des méninges (qui sont l’enveloppe du cerveau). Des perturbations biochimiques, en particulier de la sérotonine, ont aussi été mises en évidence chez les migraineux.
Les traitements de la migraine
Le handicap que peut représenter la migraine dans la vie scolaire, professionnelle, familiale et sociale, contraste avec la faible proportion de migraineux qui consultent pour leur maladie: 46 % dans une enquête récente réalisée en France. Beaucoup d’entre eux ne savent pas qu’il existe des traitements spécifiques de la migraine. Ces données témoignent d’un certain fatalisme chez les migraineux, à qui l’on a souvent répété à tort qu’il fallait vivre avec leur maladie et qu’il n’y avait rien à faire. Pourtant, s’il n’existe pas de traitement permettant de guérir la migraine en supprimant définitivement les crises, un large éventail de remèdes permet aujourd’hui de la soulager.
La thérapie est nécessairement longue car il faut interroger soigneusement le patient, le rassurer, lui expliquer ce qu’est sa migraine et ce qu’il peut attendre des divers traitements. Les migraineux se demandent souvent qui consulter. Si le médecin généraliste prend le temps de les écouter, et a une bonne connaissance de la migraine, il pourra certainement les soulager. Sinon, des neurologues, ou parfois des centres spécialisés de la douleur, peuvent prendre le relais.
Les remèdes aux migraines simples
Dans un premier temps, la tenue d’un calendrier des crises aide à déterminer les éventuels facteurs déclenchants. Lorsque la crise commence, quelques gestes simples peuvent atténuer le mal de tête: presser la tempe du côté douloureux, appliquer sur la tête des compresses glacées ou bouillantes, boire du café ou du Coca-Cola, se coucher à l’abri du bruit et de la lumière. Le sommeil est souvent le meilleur traitement chez l’enfant. Les traitements de crise doivent être pris le plus tôt possible. Les antalgiques, tels l’aspirine ou le paracétamol; les anti-inflammatoires non-stéroïdiens (AINS); certains dérivés vasoconstricteurs de l’ergot de seigle (tartrate d’ergotamine); enfin, les agonistes de la sérotonine, tel le sumatriptan, sont des traitements efficaces de la crise migraineuse. Aucun d’entre eux cependant ne permet de soulager 100 % des migraineux, et chacun devra trouver, en les essayant sur des crises successives, celui qui est le plus efficace et qu’il tolère le mieux.
Les remèdes aux migraines aggravées
Lorsque la crise s’accompagne de nausées et surtout de vomissements, il est préférable d’utiliser soit des suppositoires, soit un spray nasal, soit même une injection. Les antimigraineux de crise ne doivent pas être pris trop souvent car ils peuvent alors être responsables d’une accoutumance et d’une céphalée permanente. Un sevrage, souvent pénible, est alors nécessaire pour réduire les maux de tête. Un cas particulier est celui des femmes qui ont des crises uniquement au moment de leurs règles; elles peuvent les prévenir par l’application d’un gel d’œstrogène, à condition de pouvoir prévoir de façon précise la date de survenue des crises.
Lorsque les crises sont fréquentes (plus de 2 par mois), un traitement de fond est susceptible de les espacer. Une dizaine de médicaments peuvent être utilisés, là encore sans efficacité à 100 %. Chaque traitement de fond devra être pris quotidiennement durant au moins deux mois afin d’évaluer son efficacité et sa tolérance.
Les médecines douces telle que l’acupuncture, la relaxation peuvent également donner de bons résultats. Cette dernière technique est tout particulièrement indiquée chez l’enfant. Comme on le voit, il n’y a pas un remède miracle de la migraine; chaque migraineux devra trouver avec l’aide de son médecin quels sont les traitements les plus efficaces pour lui, et cette recherche peut prendre parfois des mois. Une grande patience est donc parfois nécessaire mais, elle est souvent récompensée par une amélioration, parfois spectaculaire, de la qualité de vie du migraineux.